Nouvelle biographie de Marie-Antoinette. De Charles-Eloi Vial

En gros, disons qu'elle avait la majesté, l'allure, la séduction qui lui manquaient et lui avait le sérieux, l'application, le côté consciencieux qu'elle n'avait pas.
Elle était légère, vive, elle aimait l'animation, le bruit, l'agitation. Il était lent, lourd, il aimait la tranquillité, le silence. Elle était superficielle, frivole, attirée par tout ce qui brille (au début du moins), il approfondissait les choses et était authentique.

Je pense que oui, à eux deux, ils se complétaient quelque part. Elle devait bien se poser de temps en temps et devait alors apprécier son côté solide, stable, rassurant, je dirais même "paternel" d'une certaine manière. Et lui devait quand-même être fier d'avoir une femme si souveraine, séduisante et brillante. Surtout comparée à ses belles-sœurs.

Après, je suis d'accord, cette complémentarité est sûrement venue avec les épreuves. Haïe jusqu'au délire, perdue, effrayée, elle a trouvé en lui un appui solide et protecteur. Et lui, largué, dépassé et abattu a trouvé en elle l'énergie et la détermination qui lui faisaient défaut.
Au début, leurs différences sont trop criantes et pendant des années, ils ne feront que se croiser.

Calonne a écrit:Un p'tit café Majesté ?

Grâce à mon incognito, cher Calonne, je peux franchement accepter votre p'tit café - et vous en remercie ! - qui nous permettra de converser un peu. Votre remarque à propos des écrouelles est parfaitement fondée, et ce n'est que tout récemment, alerté par certains indices que je croyais avoir décelé chez Louis xvi, que je m'étais posé la question à moi-même : "et s'il avait médité d'abandonner cela?!" Certes cela relevait du sacré... mais l'Eglise depuis peu ne se réfère plus clairement aux limbes, article de foi "depuis toujours" quand même !  Alors...toucher les écrouelles... kwa ?! Rien ne nous permet d'avancer que dans les années 1770 le roi et la reine sont des étrangers l'un pour l'autre, si nous nous abstrayons  de tout ce qui a pu être pensé, dit, écrit et commenté. Je pense qu'il faut, au départ, passer par cette purgation nécessaire, et "voir après" ce qu'on peut faire de tout cela. Quant à se préoccuper des intérêts de la Maison d'Autriche, la Reine n'avait certainement pas médité toute l'importance du rituel qui lui avait été imposé à la frontière : se dépouiller de tout ce qui peut rappeler le vieil homme, y compris les sentiments et surtout ce qu'on a dans la tête ! Rien que cela pouvait être fatal, et ce le fut.Cette obligation était extrêmement cruelle, inhumaine même.

Je persiste à penser que dans les années 1770, Marie-Antoinette et Louis XVI restent étrangers l'un à l'autre.

Déjà, ils ont des vies séparées, comme le veut l'étiquette : ils ne dorment pas ensemble, ont chacun leur appartement, leur entourage, leurs occupations qui en plus sont différentes. Ils ne se retrouvent guère que pour la messe, certains repas et certaines cérémonies et toujours en public. On est loin des parents de Louis XVI qui passaient leurs journées ensemble ou de Louis XV venant prendre son café chez ses filles. De plus, très vite, arrive le "malheureux tourbillon des plaisirs" dans lequel Marie-Antoinette accumule les nuits blanches et les sorties tandis que lui travaille aux affaires de l'état, à sa forge ou va se coucher. Le seul véritable moment où ils se retrouvent seuls (et encore, on ne serait pas surpris de trouver Mercy ou Vermond l'œil rivé au trou de serrure), c'est pour accomplir un devoir conjugal qui est pour les deux une abominable corvée. Et on sait ce qu'il en est, Bonjour Madame, un coup, Bonsoir Madame...

Donc franchement, pour faire connaissance et tisser des liens... Pendant cette période, Marie-Antoinette avait beau jouer à la gentille bergère, elle n'a pas dû voir le loup souvent... Et on peut raisonnablement penser que ça ne l'empêchait pas de dormir.

Calonne a écrit:En gros, disons qu'elle avait la majesté, l'allure, la séduction qui lui manquaient et lui avait le sérieux, l'application, le côté consciencieux qu'elle n'avait pas.
Elle était légère, vive, elle aimait l'animation, le bruit, l'agitation. Il était lent, lourd, il aimait la tranquillité, le silence. Elle était superficielle, frivole, attirée par tout ce qui brille (au début du moins), il approfondissait les choses et était authentique.
Je pense que oui, à eux deux, ils se complétaient quelque part.

Ils ne se complétaient pas, ils se repoussaient, un peu comme les protons: un couple "  dysfonctionnel "  ( dixit l'auteur ) ,  " Vénus et Vulcain " ( dixit Marie-Antoinette elle-même ) .   Ils seront solidaires dans l'épreuve, dès l'agonie du petit Louis-Joseph puis dans l'horreur de la Révolution.

Calonne a écrit:
Après, je suis d'accord, cette complémentarité est sûrement venue avec les épreuves. Haïe jusqu'au délire, perdue, effrayée, elle a trouvé en lui un appui solide et protecteur. Et lui, largué, dépassé et abattu a trouvé en elle l'énergie et la détermination qui lui faisaient défaut.

Au contraire, connaissant sa faiblesse à lui, elle a pris les rênes en main, dès 1787.   C'était elle son soutien à lui, pas l'inverse.   Pourtant elle était impuissante car elle ne venait jamais qu'en second et qu'elle ne put le convaincre de se battre.    
Elle écrit à Mercy, désespérée :
Le personnage qui est au-dessus de moi n'est pas en état.  
( Catriona Seth,  "Marie-Antoinette. Lettres inédites" )
Ce que Mercy s'empresse de répéter à Kaunitz ...

Calonne a écrit:
Au début, leurs différences sont trop criantes et pendant des années, ils ne feront que se croiser.

Absolument, leurs vies sont quasiment parallèles.  Tout les sépare : leurs goûts, occupations, affinités ...
Dès cette époque ( le début du règne ) , la reine prit l'habitude de vivre non pas avec son mari, mais bien à côté, menant sa propre existence.
( Charles-Eloi Vial )

Lecréateur a écrit: "et s'il avait médité d'abandonner cela?!" Certes cela relevait du sacré... mais l'Eglise depuis peu ne se réfère plus clairement aux limbes, article de foi "depuis toujours" quand même !  Alors...toucher les écrouelles... kwa ?!

La religion, qui fut la consolation de Louis XVI, a également complètement plombé sa vie, faisant de lui non pas un roi mais la brebis soumise et résignée aux dictats d'un Dieu Sans-Culotte qui donna la victoire à ses ennemis.

Lecréateur a écrit: Rien ne nous permet d'avancer que dans les années 1770 le roi et la reine sont des étrangers l'un pour l'autre, si nous nous abstrayons  de tout ce qui a pu être pensé, dit, écrit et commenté.

Nous ne pouvons pas nous abstraire des sources, les écrits des contemporains, les leurs .
C'est le b.a.-ba  de l'Histoire. Comment faire autrement ?  Charles-Éloi Vial est archiviste paléographe. Il a scrupuleusement basé toute cette biographie sur les écrits du temps.

Lecréateur a écrit:
. Quant à se préoccuper des intérêts de la Maison d'Autriche, la Reine n'avait certainement pas médité toute l'importance du rituel qui lui avait été imposé à la frontière

Comment aurait-t-elle pu penser autrement ?  L'Autriche était son pays et elle était, en personne, par son mariage,  le gage de l'alliance entre la France et l'Autriche.  Elle était investie par sa mère de ce rôle de défendre les intérêts autrichiens.  Il lui a fallu comprendre, admettre, digérer que Louis XVI ne voulait pas de cette alliance, qu'elle n'obtiendrait pas le retour de Choiseul aux affaires. C'était dur et terriblement humiliant pour elle .

Calonne a écrit:Je persiste à penser que dans les années 1770, Marie-Antoinette et Louis XVI restent étrangers l'un à l'autre.
Donc franchement, pour faire connaissance et tisser des liens... Pendant cette période, Marie-Antoinette avait beau jouer à la gentille bergère, elle n'a pas dû voir le loup souvent... Et on peut raisonnablement penser que ça ne l'empêchait pas de dormir.

Mme de Sabran a écrit: Nous ne pouvons pas nous abstraire des sources, les écrits des contemporains, les leurs .
C'est le b.a.-ba  de l'Histoire.  Comment faire autrement ?   Charles-Éloi Vial est archiviste paléographe. Il a scrupuleusement basé toute cette biographie sur les écrits du temps.  

Certes Éléonore, mais tout comme ses lecteurs Charles-Éloi est influencé par de sa propre sensibilité. Dans les sources et écrit du temps on trouve généralement ce que l'on cherche, ce qui n'en fait pas une vérité.

Ce n'est pas faux !    
L'objectivité devrait être la vertu cardinale de l'historien, n'est-ce pas.    Mais dur dur de garder assez de distance avec son sujet pour ne pas frémir à ceci, ou pour ne pas bouillonner contre cela ?!!

Comme l'écrivait si justement Simone Bertière dans l'introduction de Marie-Antoinette l'insoumise,

Son image ne cesse d'osciller et les jugements portés sur elle, qui hésitent entre sévérité et indulgence, sympathie et réprobation, en disent davantage sur leurs auteurs que sur leur objet.

À ceux qui ne n'ont pas lu cette biographie, je la conseille, et aux autres de relire son introduction tellement fine, intelligente, et respectueuse pour les biographes précédents.

 

Le prix Château de Versailles du livre d’Histoire soutient le dynamisme de la production éditoriale en matière de recherche historique en récompensant, chaque année, l’auteur d’un ouvrage consacré au XVIIe, au XVIIIe siècle ou à l’histoire du château de Versailles, quel que soit le cadre chronologique. Pour cette septième édition, le comité de lecture a sélectionné cinq titres parmi de nombreux ouvrages (essais, documents, biographies, mémoires ou journaux).


La biographie de Marie-Antoinette par Charles-Eloi Vial est en lice avec les ouvrages suivants  ...











Le jury, présidé par Christophe Leribault, président du château de Versailles, dévoilera le nom du lauréat le 20 juin 2024 lors de la cérémonie de remise de prix.

Charles-Eloi, nous vous souhaitons bonne chance, en toute amitié !

https://www.chateauversailles.fr/presse/editions/selection-finalistes-prix-chateau-versailles-livre-histoire-0#le-prix

Nous espérons retrouver Marie-Antoinette à l'honneur à Versailles le 20 juin prochain...

Nous avions également présenté dans notre rubrique "bibliographie" : Voyager en Europe au temps des Lumières ainsi que Le 14 juillet de Mirabeau.  

A écouter (et voir) si le sujet vous intéresse cette vidéo d'une longue conférence de l'auteur à l'École nationale des chartes...

Marie-Antoinette : quelles sources pour le biographe ?
Charles-Éloi Vial, conservateur au département des manuscrits de la BnF
Durée : 1h13mn

Présentation :

Depuis le XIXe siècle, la vie de Marie-Antoinette a été très souvent étudiée par de très nombreux historiens et historiens de l’art, et les grandes lignes de son existence sont largement connues, y compris par le très grand public. La plupart de ces travaux ont cependant majoritairement eu recours aux mêmes sources imprimées, qui fonctionnent en réalité comme un corpus fermé.

Ce n’est que tout dernièrement que les recherches autour de la dernière reine de France ont connu un complet renouveau, grâce à la découverte de nouvelles sources aux Archives nationales et dans d’autres institutions patrimoniales, ainsi que par une critique systématique des documents déjà connus. De nouveaux aspects de la personnalité de Marie-Antoinette, ainsi que des pans entiers de son existence, peuvent ainsi sortir de l’ombre, ouvrant de manière plus générale de nouvelles perspectives de recherches sur la cour de Versailles et sur la famille royale à la fin de l’Ancien Régime.

Cher La nuit, la neige

Ecouter cette vidéo a ete pour moi hier vraiment tres interessant.
Enfin, un historien qui puise à des sources jusqu'alors inconnues qu'il présente ainsi et complète la biographie de la reine avec de nombreuses nouvelles. et le regarde sous un angle légèrement différent de celui auquel nous sommes traditionnellement habitués.

Leos

Marie-Antoinette : quelles sources pour le biographe ?
Charles-Éloi Vial, conservateur au département des manuscrits de la BnF
Durée : 1h13mn

Oui. Charles-Eloi Vial s'y connaît en archives, puisque non seulement historien-doctorant, il est encore archiviste paléographe et conservateur du département des Manuscrits de la Bibliothèque nationale de France. On ne peut mieux faire.

Et ce n'est pas un hasard si sa biographie de Marie-Antoinette fait partie, cette année, des cinq finalistes du prestigieux prix du livre d'Histoire du château de Versailles...